Bonjour messieurs, bonjour mesdames !
Aujourd’hui, je vais tuer mon frère !
Quelle charmante idée, monsieur le professeur oui, quelle charmante idée : nous redorerons votre pelage et vous deviendrez professeur !
Mon intérêt se situe là, car mon frère ne sera plus : disparu !
Je n’y suis pour rien, messieurs les policiers, mesdames et messieurs les vendeurs de notre monde, je me promenais tranquillement dans mon jardin quand j’entendis un bruit… étrange, pour une heure aussi tardive que celle de quatre heures de ma chère matinée !
Moi, je n’ai pas l’habitude de sortir, car j’ai besoin d’air. Je me repose chaque nuit, pour reprendre des forces, et ainsi me ressourcer.
Je n’y peux rien, mesdames et messieurs les gendarmes, mon frère s’est évanoui, j’ai tenté de le ranimer !
Il pleurait, à chaudes larmes me suppliait de le sauver, moi héros cela m’aurait plu !
Je n’ai pu.
Je suis un lâche, mesdames et messieurs les gendarmes, mesdames et messieurs les spectateurs.
J’aurais pu le sauver ! Mais la force m’a lâché.
Je suis un misérable.
Mérité-je la mort ?
À vous seuls d’en juger !
J’ai perdu mon frère !
Celui qui m’a élevé.
Celui qui de l’argent m’a toujours prêté, pour acheter des métros.
J’aimais beaucoup le métro moi, quand j’étais petit : il se trouve que j’y jouais toujours !
J’ai d’ailleurs acquis toutes les lignes que voilà ! J’en suis l’Unique Propriétaire, vous m’usurpez !
Usurpateurs !
À maintes reprises je n’ai cessé de le répéter et pourtant, personne ne m’a écouté !
La faute, peut-être, à mon faible gosier ?
Je ne sais.
Toujours est-il qu’en ce temps si corrupteur, égoïste et sans scrupule, je me suis retrouvé sans le sou, moi, le propriétaire de la totalité des lignes de métro !
J’aime, monsieur, le métropolitain.
Je m’y sens à l’aise, au milieu de tout ce peuple…
Hahaha !
D’allure pauvre, je me faufile et passe incognito !
J’observe les gens qui jamais ne me remarquent !
Ils sont dans leurs mondes ; dans leurs bulles ; j’aime ça.
Car il y a beaucoup de bulles mais aucune ne m’appartient, car je suis généreux. Honnête. Intransigeant.
Je vais tuer mon frère et vous allez aimer.
Je vous le prédis !
Je vais tuer mon frère et je m’aime, car le métropolitain me rejette – méchant ! méchant !
Ils ne font que m’embêter, tu as vu ça maman, mademoiselle la marquise, messieurs les professeurs et les gendarmes ?
Le métropolitain m’appartient !
Je suis seul, dans mon lit, à m’occuper le ciel. Je suis seul et cogite à l’intérieur de mon petit appartement : que vais-je faire ? que vais-je faire ?
Le métropolitain m’aime, car je suis honnête, le métropolitain m’aime et je ne veux le décevoir.
J’aime, moi, les gens du métropolitain, car on y trouve de tout : une cuillérée de… de… et de…
Une belle bande de sacripants, de voleurs de viande !
Mais vous ne m’aurez pas, ah cela, jamais, vous ne m’aurez jamais voleurs !
Vous me volez !
Moi j’aime beaucoup manger, car c’est la raison pour laquelle je suis gros : je suis un gros bonhomme, un gros porc.
Mesdames, messieurs, mesdames les marquises !
Je suis stérile et j’adore le métro, car sans arrêt je m’y promène et les gens m’observent…
Ne vous ai-je point encore mon secret révélé ?
Je… suis… vierge.
Le métropolitain, ça me connaît !
J’ai quarante ans, je suis sans-emploi depuis toujours et de salaire de subsistance ne reçois que de mon frère, celui que je compte tuer : vous demandez-vous pourquoi ?
Par amour pour le métro…
Car je jouais toujours au train petit, les rails et les rails pullulaient dans la modeste propriété familiale.
À l’école il me manquait. Je pensais toujours à lui, toujours ; toujours ; toujours ; toujours ; à tel point qu’un jour mon frère – il s’appelle Georges – m’a annoncé la grande nouvelle !
Aujourd’hui, je vais tuer mon frère !
Quelle charmante idée, monsieur le professeur oui, quelle charmante idée : nous redorerons votre pelage et vous deviendrez professeur !
Mon intérêt se situe là, car mon frère ne sera plus : disparu !
Je n’y suis pour rien, messieurs les policiers, mesdames et messieurs les vendeurs de notre monde, je me promenais tranquillement dans mon jardin quand j’entendis un bruit… étrange, pour une heure aussi tardive que celle de quatre heures de ma chère matinée !
Moi, je n’ai pas l’habitude de sortir, car j’ai besoin d’air. Je me repose chaque nuit, pour reprendre des forces, et ainsi me ressourcer.
Je n’y peux rien, mesdames et messieurs les gendarmes, mon frère s’est évanoui, j’ai tenté de le ranimer !
Il pleurait, à chaudes larmes me suppliait de le sauver, moi héros cela m’aurait plu !
Je n’ai pu.
Je suis un lâche, mesdames et messieurs les gendarmes, mesdames et messieurs les spectateurs.
J’aurais pu le sauver ! Mais la force m’a lâché.
Je suis un misérable.
Mérité-je la mort ?
À vous seuls d’en juger !
J’ai perdu mon frère !
Celui qui m’a élevé.
Celui qui de l’argent m’a toujours prêté, pour acheter des métros.
J’aimais beaucoup le métro moi, quand j’étais petit : il se trouve que j’y jouais toujours !
J’ai d’ailleurs acquis toutes les lignes que voilà ! J’en suis l’Unique Propriétaire, vous m’usurpez !
Usurpateurs !
À maintes reprises je n’ai cessé de le répéter et pourtant, personne ne m’a écouté !
La faute, peut-être, à mon faible gosier ?
Je ne sais.
Toujours est-il qu’en ce temps si corrupteur, égoïste et sans scrupule, je me suis retrouvé sans le sou, moi, le propriétaire de la totalité des lignes de métro !
J’aime, monsieur, le métropolitain.
Je m’y sens à l’aise, au milieu de tout ce peuple…
Hahaha !
D’allure pauvre, je me faufile et passe incognito !
J’observe les gens qui jamais ne me remarquent !
Ils sont dans leurs mondes ; dans leurs bulles ; j’aime ça.
Car il y a beaucoup de bulles mais aucune ne m’appartient, car je suis généreux. Honnête. Intransigeant.
Je vais tuer mon frère et vous allez aimer.
Je vous le prédis !
Je vais tuer mon frère et je m’aime, car le métropolitain me rejette – méchant ! méchant !
Ils ne font que m’embêter, tu as vu ça maman, mademoiselle la marquise, messieurs les professeurs et les gendarmes ?
Le métropolitain m’appartient !
Je suis seul, dans mon lit, à m’occuper le ciel. Je suis seul et cogite à l’intérieur de mon petit appartement : que vais-je faire ? que vais-je faire ?
Le métropolitain m’aime, car je suis honnête, le métropolitain m’aime et je ne veux le décevoir.
J’aime, moi, les gens du métropolitain, car on y trouve de tout : une cuillérée de… de… et de…
Une belle bande de sacripants, de voleurs de viande !
Mais vous ne m’aurez pas, ah cela, jamais, vous ne m’aurez jamais voleurs !
Vous me volez !
Moi j’aime beaucoup manger, car c’est la raison pour laquelle je suis gros : je suis un gros bonhomme, un gros porc.
Mesdames, messieurs, mesdames les marquises !
Je suis stérile et j’adore le métro, car sans arrêt je m’y promène et les gens m’observent…
Ne vous ai-je point encore mon secret révélé ?
Je… suis… vierge.
Le métropolitain, ça me connaît !
J’ai quarante ans, je suis sans-emploi depuis toujours et de salaire de subsistance ne reçois que de mon frère, celui que je compte tuer : vous demandez-vous pourquoi ?
Par amour pour le métro…
Car je jouais toujours au train petit, les rails et les rails pullulaient dans la modeste propriété familiale.
À l’école il me manquait. Je pensais toujours à lui, toujours ; toujours ; toujours ; toujours ; à tel point qu’un jour mon frère – il s’appelle Georges – m’a annoncé la grande nouvelle !
- Tu seras grand-père !!!
- Comment ?
- Tu seras grand-père !
- Pourquoi ?
- Tu seras grand-père !!! Hè hè hè !
- Moi je comprends pas pourquoi tu dis ça, parce que moi je plais pas aux petites filles, elles préfèrent les hommes !
- Tu auras un bon p’tit t’chou-t’chou ! Hè hè !
- Comment ?
- Tu seras grand-père !
- Pourquoi ?
- Tu seras grand-père !!! Hè hè hè !
- Moi je comprends pas pourquoi tu dis ça, parce que moi je plais pas aux petites filles, elles préfèrent les hommes !
- Tu auras un bon p’tit t’chou-t’chou ! Hè hè !
Il était bizarre mon frère à cette époque, il aimait bien
les codes secrets ; je l’aimais.
D’ailleurs, un conséquent temps s’est écoulé pour que les concepts entiers je comprenne !
D’ailleurs, un conséquent temps s’est écoulé pour que les concepts entiers je comprenne !
- Toi tu seras grand-père, et moi, je n’aurai
personne ! Je serai grand-père et tu seras vieux !
Alors j’ai décidé à mon instinct d’obéir !
- Moi, à l’école, je pense toujours à toi mon frère, car tu
es gentil. Mais le train plus encore, ce pourquoi je ne t’aime pas.
Quelle bêtise ! Que m’a-t-il pris de cette vérité lui
annoncer ? Cette chose qui n’était même pas mon avenir !
Il me répondit ceci :
Il me répondit ceci :
- Je vais te faire devenir riche !
Quelle bêtise, mais quelle bêtise !
J’ai quarante ans, je suis obèse et sans le sou, logeant dans un modeste appartement.
J’ai quarante ans, je suis obèse et sans le sou, logeant dans un modeste appartement.
- Pourquoi tu dis ça c’est pas vrai, c’est pas vrai d’abord,
dis-moi que c’est pas vrai ! C’est pas vrai !
- Si c’est vrai !
- Tu veux une nouvelle fois faire de moi un dindon de la farce, comme les copains à l’école ! Eh ! Je suis pas bête moi, je suis pas très bête ! En tout cas !
- Si c’est vrai !
- Tu veux une nouvelle fois faire de moi un dindon de la farce, comme les copains à l’école ! Eh ! Je suis pas bête moi, je suis pas très bête ! En tout cas !
Quelle bêtise mais quelle bêtise !
Je suis un minable, un misérable.
Je suis un minable, un misérable.
- Comment ?! s’étonna-t-il.
- Quoi comment, méchant ! Méchant ! Tu me mens tout le temps je vais le dire à maman ! Méchant !
- Quoi comment, méchant ! Méchant ! Tu me mens tout le temps je vais le dire à maman ! Méchant !
C’est alors qu’il me prit de haut.
- Alors là j’y crois pas, nan mais t’es nul en tout c’est
pas croyable ! Même ce qui te rendrait heureux tu le refuses !
- C’est pas ton argent sale qui me fera plaisir ! Il est sale ton argent ! Il est très sale, il est dégoûtant moi eh ben, je le touche pas, moi, eh ben, je lui vomis dessus ! Ce n’est que du papier, et répugnant, répugnant !
- T’as pas d’amis à l’école ? On se moque de toi ?
- C’est pas ton argent sale qui me fera plaisir ! Il est sale ton argent ! Il est très sale, il est dégoûtant moi eh ben, je le touche pas, moi, eh ben, je lui vomis dessus ! Ce n’est que du papier, et répugnant, répugnant !
- T’as pas d’amis à l’école ? On se moque de toi ?
Il avait touché le… point sensible. Je pleurai… à chaudes
larmes… tout en me jetant sur lui. Il s’éloigna.
- Eh, me touche pas, l’pestiféré ! Va falloir traiter
d’ça avec mère…
Parfois, c’est ainsi qu’il appelait maman – quel
con !!!
- Eh maman ! Eh maman tu viens, tu viens voir ? Tu
montes ?! Eh maman, eh maman !
Je pleurai, tout en lui faisant signe de se taire… Je me
jetai sur lui.
- J’vais te casser la gueule connard ! Sale
enfoiré !
Mais ce fut en vain que des coups de pied je lui donnais.
- Beeeeh, me touche pas ! Casse-toi tu pues eh !
- Tu m’as dit que… Tout à l’heure tu étais si gentil, et là…
- Tu l’as bien dit t’t’à l’heure, eh l’minable !
- Pourquoi t’es méchant avec moi ?
- Tu m’as dit que… Tout à l’heure tu étais si gentil, et là…
- Tu l’as bien dit t’t’à l’heure, eh l’minable !
- Pourquoi t’es méchant avec moi ?
Mon seul ami : le train. Mon obsession de la journée,
mon obsession de la nuit : mon train, mon ami. Il était rapide :
c’était un TGV. J’étais un conducteur de TGV, j’aimais bien, j’étais un homme
important ; une grande personne…
À dire vrai, je ne sais comment cette affaire ce soir s’est terminée : maman nous a séparés et Georges n’a rien dit.
À dire vrai, je ne sais comment cette affaire ce soir s’est terminée : maman nous a séparés et Georges n’a rien dit.
- Je veux toutes tes cartes Pokémon ! Oh, j’oubliais,
t’as pas de…
- Si j’ai des cartes Pokémon, j’ai que ça même ! lui répondis-je en les lui jetant au visage.
- Si j’ai des cartes Pokémon, j’ai que ça même ! lui répondis-je en les lui jetant au visage.
Le train demeurait ma seule obsession : c’était ma
raison de vivre !
- Oh ! s’exclama-t-il rêveusement. Ça fait un bon gros
paquet d’fric !
- Toi tu m’achèteras pas avec ton argent sale !
- Tu vois que tu pourrais devenir riche… La gloire, l’argent, les filles : cela ne te fait point rêver ?
- Nan, et même que si tu continues, je vais le dire à maman !
- Maman, c’est pas ta mère d’abord !
- C’est faux ! C’est faux ! Je t’attaquerai en justice s’il le faut ! C’est faux ! C’est fauuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuux !!! hurlais-je en le tapant vainement.
- Regardez-le, à s’exciter comme une toupie.
- Maman, elle dit que tu MENS ! T’es rien qu’un MENTEUR !
Je n’ai jamais… vraiment su. Toujours est-il qu’en y pensant j’en ai la larme à l’œil… Oh mon Dieu…
Je suis un gros lard, je suis minable, je n’ai rien construit de toute ma vie !
Et me voilà à… parler du meurtre de mon frère, ce même connard qui… m’a toujours subventionné ! Toujours !
- Toi tu m’achèteras pas avec ton argent sale !
- Tu vois que tu pourrais devenir riche… La gloire, l’argent, les filles : cela ne te fait point rêver ?
- Nan, et même que si tu continues, je vais le dire à maman !
- Maman, c’est pas ta mère d’abord !
- C’est faux ! C’est faux ! Je t’attaquerai en justice s’il le faut ! C’est faux ! C’est fauuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuux !!! hurlais-je en le tapant vainement.
- Regardez-le, à s’exciter comme une toupie.
- Maman, elle dit que tu MENS ! T’es rien qu’un MENTEUR !
Je n’ai jamais… vraiment su. Toujours est-il qu’en y pensant j’en ai la larme à l’œil… Oh mon Dieu…
Je suis un gros lard, je suis minable, je n’ai rien construit de toute ma vie !
Et me voilà à… parler du meurtre de mon frère, ce même connard qui… m’a toujours subventionné ! Toujours !
- Je vais t’appeler Gélatine dorénavant, ça te dérange
pas ?
- Si ça me dérange ! Et PARS de ma chambre ! Sur-le-champ !
- Oh… Sur-le-champ… Il a du vocabulaire !
- Si ça me dérange ! Et PARS de ma chambre ! Sur-le-champ !
- Oh… Sur-le-champ… Il a du vocabulaire !
Je pleurais, toujours pleurais…
Suis-je aujourd’hui mieux dans ma peau ? Rien n’est moins sûr…
Oh, misère…
Gros lard… Inutile larve… assisté par la société… subventionné par un connard du nom de Georges. Georges Lachant, marié, trois enfants, propriétaire d’une riche villa.
Je vais me préparer pour chez eux me rendre, repérer les lieux. Je veux réussir mon meurtre.
GEORGES J’AURAI TA PEAU !
Je te le jure…
J’ai quarante ans ! QUARANTE ANS ! QUARANTE ANS !
Et le métropolitain pour seule occupation !
Ma mère même pas ma mère !
Je suis prêt.
Je suis dans la rue…
Je déteste quand je suis dans cet état : il faut toujours que je vérifie mes pas ! Je les compte !
Et lentement, toutes les trois secondes !
Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Quelle bêtise !
C’est à cause de toi, frère, que je suis devenu comme ça… Mon Dieu.
Alors moi, j’ai quand même un truc pour passer le temps plus vite, je chantonne en même temps, je rythme mes pas lents, tout en les scrutant ne voyant alors les passants qui sans doute – je ne sais – m’observent.
Ah c’est rigolo, un gros lard qui scrute ses pas hein ! VOUS TROUVEZ CA DRÔLE ?!!
VOUS PENSEZ QUE C’EST DE MA FAUTE PEUT-ÊTRE ?!!
GROS CONS !!!
J’aimerais tant avoir la force de pleurer… comme avant… comme enfant.
Au lieu de cela, je scrute mes pas : un – na, nana, na – deux – na, na, na, naaaaa ! – trois – nananana – quatre – balala ! balala ! – cinq – scrunch scrunch scrunch scrunch – …
À force, j’arrive à la porte de mon frère.
Georges Lachant, marié, trois enfants. Propriétaire d’une villa dotée d’une piscine.
Je sonne.
Suis-je aujourd’hui mieux dans ma peau ? Rien n’est moins sûr…
Oh, misère…
Gros lard… Inutile larve… assisté par la société… subventionné par un connard du nom de Georges. Georges Lachant, marié, trois enfants, propriétaire d’une riche villa.
Je vais me préparer pour chez eux me rendre, repérer les lieux. Je veux réussir mon meurtre.
GEORGES J’AURAI TA PEAU !
Je te le jure…
J’ai quarante ans ! QUARANTE ANS ! QUARANTE ANS !
Et le métropolitain pour seule occupation !
Ma mère même pas ma mère !
Je suis prêt.
Je suis dans la rue…
Je déteste quand je suis dans cet état : il faut toujours que je vérifie mes pas ! Je les compte !
Et lentement, toutes les trois secondes !
Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Quelle bêtise !
C’est à cause de toi, frère, que je suis devenu comme ça… Mon Dieu.
Alors moi, j’ai quand même un truc pour passer le temps plus vite, je chantonne en même temps, je rythme mes pas lents, tout en les scrutant ne voyant alors les passants qui sans doute – je ne sais – m’observent.
Ah c’est rigolo, un gros lard qui scrute ses pas hein ! VOUS TROUVEZ CA DRÔLE ?!!
VOUS PENSEZ QUE C’EST DE MA FAUTE PEUT-ÊTRE ?!!
GROS CONS !!!
J’aimerais tant avoir la force de pleurer… comme avant… comme enfant.
Au lieu de cela, je scrute mes pas : un – na, nana, na – deux – na, na, na, naaaaa ! – trois – nananana – quatre – balala ! balala ! – cinq – scrunch scrunch scrunch scrunch – …
À force, j’arrive à la porte de mon frère.
Georges Lachant, marié, trois enfants. Propriétaire d’une villa dotée d’une piscine.
Je sonne.
- Ouais j’arriiiive ! entends-je sa femme me répondre
de loin.
Alors dans ma tête je chantonne – balala, balala,
balalalalalala, oui oui oui, oui oui oui, oui oui oui oui oui oui oui, oui oui
oui, oh là là vous êtes mignonne je vais te… Je vais te… Je vais te…
Elle m’ouvre et sa tête, rieuse une fraction de seconde, profondément s’assombrit. J’y décèle de la pitié.
- Oh, bonjour, Vincent… Je suppose que tu veux de l’argent ?
- Non… Je suis juste venu passer…
Elle m’ouvre et sa tête, rieuse une fraction de seconde, profondément s’assombrit. J’y décèle de la pitié.
- Oh, bonjour, Vincent… Je suppose que tu veux de l’argent ?
- Non… Je suis juste venu passer…
Et voilà que mon envie de pleurer me reprend.
- Euh d’accord, mais il est parti, là…
- Je peux peut-être quand même entrer…
- J’ai déjà mangé avec les enfants, il se fait tard…
- Je peux peut-être… leur raconter des histoires.
- Je peux peut-être quand même entrer…
- J’ai déjà mangé avec les enfants, il se fait tard…
- Je peux peut-être… leur raconter des histoires.
Je suis nul. Minable.
- Ecoute, moi j’entre jamais chez toi sans prévenir, alors
fais-en autant d’accord ? Il serait peut-être temps d’apprendre la
politesse ? Bonjour… merci ?
- …
- Au revoir !
- …
- Au revoir !
Normal, puisque chez moi, tu n’y viens jamais… Georges m’en
a révélé la raison : tu trouves mon appartement assorti à ma personne… minable…
Tu trouves que je suis un gros porc inutile, un fardeau pour la société qui
s’en sortirait mieux sans assistés… Tu as même dit qu’élue présidente, tu
mettrais fin à la prolifération de l’espèce nuisible à laquelle j’appartiendrais…
tu nous enfermerais dans de gros paquets cartonnés, par des attardés bien
scotchés – « Ceux-là valent mieux que bien des gens normaux, si tant est
que l’autre le soit ! Ils sont volontaires, travailleurs ! » -
que tu enverrais quelque part… Dans une sorte de pays spécialisé. Où l’on nous
forcerait à travailler…
Tu l’as dit après que j’ai refusé ta proposition de travailler en CAT – centre d’aide au travail… Pas question de travailler parmi les demeurés ! L’argent que me donne Georges, pacotille par rapport à son grand salaire de chirurgien, s’avère très largement supérieur à celui que je gagnerais par cette humiliation.
Haha. Malgré mon refus, relevant de l’évidence, tu as persévéré pendant des mois, non auprès de moi, mais de mon frère.
Parfois, je venais dans votre jardin, secrètement écouter vos conversations. Mais cette précaution s’avérait plutôt inutile car tu n’as jamais cessé de parler de moi comme d’une chose, à la troisième personne même en ma présence. Au début, tu prenais la peine de sortir de la pièce où j’étais, habitude que tu as bien vite perdue. Après tout, je ne me suis jamais défendu. Une chose.
Mon frère modifiait son discours au gré de ses humeurs : un coup oui, un coup non.
Tu l’as dit après que j’ai refusé ta proposition de travailler en CAT – centre d’aide au travail… Pas question de travailler parmi les demeurés ! L’argent que me donne Georges, pacotille par rapport à son grand salaire de chirurgien, s’avère très largement supérieur à celui que je gagnerais par cette humiliation.
Haha. Malgré mon refus, relevant de l’évidence, tu as persévéré pendant des mois, non auprès de moi, mais de mon frère.
Parfois, je venais dans votre jardin, secrètement écouter vos conversations. Mais cette précaution s’avérait plutôt inutile car tu n’as jamais cessé de parler de moi comme d’une chose, à la troisième personne même en ma présence. Au début, tu prenais la peine de sortir de la pièce où j’étais, habitude que tu as bien vite perdue. Après tout, je ne me suis jamais défendu. Une chose.
Mon frère modifiait son discours au gré de ses humeurs : un coup oui, un coup non.
- Mais enfin Georges, tu ne peux pas continuer à le faire
vivre ! Qu’il se prenne en main !
- Allez, c’est à peine si je lui paie le loyer de son studio minable…
- Un centime pour lui est un centime de trop ! Enfin, tu ne l’as pas regardé ? C’est un gros porc ! Je suis d’ailleurs sûre qu’il claque l’essentiel de ton argent en sale bouffe ! Berk !
- C’est sûrement hormonal…
- Oh non ! C’est un gros porc, c’est tout…
- Peut-être que s’il rencontrait une femme…
- Laisse-moi rire. Tu plaisantes, j’espère ? Qui voudrait de cette chose répugnante ? Beuark !
- Je n’aime pas te voir dans cet état, Valérie. Il reste mon frère.
- Allez, c’est à peine si je lui paie le loyer de son studio minable…
- Un centime pour lui est un centime de trop ! Enfin, tu ne l’as pas regardé ? C’est un gros porc ! Je suis d’ailleurs sûre qu’il claque l’essentiel de ton argent en sale bouffe ! Berk !
- C’est sûrement hormonal…
- Oh non ! C’est un gros porc, c’est tout…
- Peut-être que s’il rencontrait une femme…
- Laisse-moi rire. Tu plaisantes, j’espère ? Qui voudrait de cette chose répugnante ? Beuark !
- Je n’aime pas te voir dans cet état, Valérie. Il reste mon frère.
Ma vie est d’un triste…
Je suis revenu chez moi, sans compter mes pas.
Je m’installe sur mon fauteuil… je m’étire…
J’ai quarante ans, je m’appelle Vincent et je suis minable…
Je n’ai jamais eu aucun ami. Personne. Ma mère m’aimait par principe, mon frère n’a jamais cessé de me maltraiter. Quant à mon père, inconnu au bataillon. Tant mieux. Ce devait être un connard.
Au moins n’ai-je pas été battu…
Juste ignoré.
Par mes camarades rejeté.
Quant à mes professeurs… Ah… Je n’ose y penser.
Vincent, le grand timide Vincent. Le bloqué Vincent.
Ah, oui ! J’avais un blocage, aurait-il paru. Un blocage… Moi, je pensais que c’était une pierre.
J’ai vu quelque temps une psychologue – très souriante.
Je suis revenu chez moi, sans compter mes pas.
Je m’installe sur mon fauteuil… je m’étire…
J’ai quarante ans, je m’appelle Vincent et je suis minable…
Je n’ai jamais eu aucun ami. Personne. Ma mère m’aimait par principe, mon frère n’a jamais cessé de me maltraiter. Quant à mon père, inconnu au bataillon. Tant mieux. Ce devait être un connard.
Au moins n’ai-je pas été battu…
Juste ignoré.
Par mes camarades rejeté.
Quant à mes professeurs… Ah… Je n’ose y penser.
Vincent, le grand timide Vincent. Le bloqué Vincent.
Ah, oui ! J’avais un blocage, aurait-il paru. Un blocage… Moi, je pensais que c’était une pierre.
J’ai vu quelque temps une psychologue – très souriante.
- Allez, souviens-toi… N’as-tu pas un seul souvenir
heureux ?
- Aucun.
- Tout le monde a des souvenirs heureux, même infimes… Rappelle-toi… Ne laisse pas ta mauvaise voix te prendre ton esprit !
- Je n’ai pas de souvenir heureux… Ah, si…
- Ah !
- Oui, mon train… C’est un TGV, je le fais rouler.
- Mais c’est bien, ça !
- Plus tard, je voudrais faire conducteur de TGV !
- Mais c’est très bien !
- Aucun.
- Tout le monde a des souvenirs heureux, même infimes… Rappelle-toi… Ne laisse pas ta mauvaise voix te prendre ton esprit !
- Je n’ai pas de souvenir heureux… Ah, si…
- Ah !
- Oui, mon train… C’est un TGV, je le fais rouler.
- Mais c’est bien, ça !
- Plus tard, je voudrais faire conducteur de TGV !
- Mais c’est très bien !
C’est très bien…
Oh, j’ai tort de me prétendre minable, puisque mon frère m’a payé toutes les rames du métro parisien. Mais sans doute m’a-t-il roulé dans la farine.
Oh, j’ai tort de me prétendre minable, puisque mon frère m’a payé toutes les rames du métro parisien. Mais sans doute m’a-t-il roulé dans la farine.
- Donne-moi tes cartes Pokémon !
- Non, non, non, tu les auras jamais !
- Tu veux que je répète à maman ton… image scolaire ?
- Non !
- Alors qu’attends-tu ?
- J’ai une robe de princesse si tu veux !
- Non, non, non, tu les auras jamais !
- Tu veux que je répète à maman ton… image scolaire ?
- Non !
- Alors qu’attends-tu ?
- J’ai une robe de princesse si tu veux !
Eh oui… À l’époque, j’attendais ma… princesse charmante,
celle qui me délivrerait de ce monde de brutes.
- Quoi ? T’es une fiotte en plus ?
- Ah bon, pourquoi ? Dis-lui que je ne veux pas, ça ne sert jamais à rien de discuter avec ce genre de personnes !
À l’époque, j’en ignorais la signification.
- C’est quoi ça ?
- Non mais on croit rêver !
- Je sais pas ce que ça veut dire, fiotte… Il y a un rapport avec les chiottes, je parie !
- En quelque sorte.
- C’est quoi ça ?
- Non mais on croit rêver !
- Je sais pas ce que ça veut dire, fiotte… Il y a un rapport avec les chiottes, je parie !
- En quelque sorte.
J’étais triste… si triste… Je crois que je n’ai toujours
connu que ce sentiment… Princesse charmante… Ah ! La Princesse.
Tout seul dans mon coin, je ne pensais qu’à elle – jusqu’à ce que désespéré, mon train prenne le dessus.
J’imaginais des conversations avec elle. Je voulais devenir normal.
Tout seul dans mon coin, je ne pensais qu’à elle – jusqu’à ce que désespéré, mon train prenne le dessus.
J’imaginais des conversations avec elle. Je voulais devenir normal.
- Princesse… Princesse…
- Vincent, sors de cette horrible cour, rejoins-moi !
- Vincent, sors de cette horrible cour, rejoins-moi !
Flottant dans l’air, elle ne pouvait s’appuyer sur le sol.
- J’aimerais bien !
À chaque fois que je me levais, tentais de l’attraper, elle s’échappait.
- Ben quoi, viens !
- Je ne peux pas ! Viens à moi, s’il te plaît !
- Je me trouve malheureusement dans l’incapacité.
- Je ne peux pas ! Viens à moi, s’il te plaît !
- Je me trouve malheureusement dans l’incapacité.
Cela ne manquait pas de causer l’hilarité de mes camarades –
surtout celle de Nicolas, le petit brun, le petit teigneux.
- Haha, viens princesse, hahaha !
Je n’osais jamais leur rétorquer quoi que ce soit – j’avais
tort ! C’est par manque d’entraînement social que je suis devenu cette
loque.
Cela n’a pas été faute d’essayer. J’ai eu cette princesse, puis le train.
J’étais assis par terre, et par ma main m’imaginais le faire rouler.
Cela n’a pas été faute d’essayer. J’ai eu cette princesse, puis le train.
J’étais assis par terre, et par ma main m’imaginais le faire rouler.
- Je vais sauver le monde !
- Vincent ?
- Vincent ?
C’était la maîtresse.
- Vincent, viens me voir s’il te plaît.
Je craignais le pire… Vincent, tu es différent, Vincent, tu
n’es pas comme les autres, Vincent… Vincent, tu fais pitié.
Je pleurais.
Je pleurais.
- Oh, cesse un peu de pleurer pour un rien… Viens, on va
s’isoler dans la classe.
- Sniff…
- Sniff…
Déjà je comptais mes pas – heureusement, sans les trois
secondes intermédiaires !
- Voilà... Écoute, cela me rend malheureuse de te voir si
triste… Qu’est-ce qui ne va pas ?
Pleurant, je ne pouvais dire un mot.
- J’aimerais prendre rendez-vous avec ta maman.
- Oh non ! Oh non !
- Mais quoi ? Si tu as peur de ce qu’on peut dire, tu n’as qu’à venir, toi aussi… Je ne dirai rien de mal, ne t’inquiète pas… Tu as un potentiel, j’en suis certaine, cela se sent… Tu es malheureusement en train de le gâcher…
- Sniff.
- Oh non ! Oh non !
- Mais quoi ? Si tu as peur de ce qu’on peut dire, tu n’as qu’à venir, toi aussi… Je ne dirai rien de mal, ne t’inquiète pas… Tu as un potentiel, j’en suis certaine, cela se sent… Tu es malheureusement en train de le gâcher…
- Sniff.
Un pleurnichard.
Je n’ai jamais été rien d’autre qu’un pleurnichard.
- Maman… La maîtresse elle veut te voir.Je n’ai jamais été rien d’autre qu’un pleurnichard.
- Ah bon, pourquoi ? Dis-lui que je ne veux pas, ça ne sert jamais à rien de discuter avec ce genre de personnes !