samedi 15 décembre 2012

Immortelle Inhumation.



- Ils se sont enterrés !!   
- Que me dis-tu là…        
- Ils ont enterré… les camarades… et… toi… larmoyant jamais tu n'es ! Chauds bouillants chauds bouillants, car ils étaient plusieurs en compagnie de brindilles, en raison de ton inexistence ! Toi seul peux nous sauver ; le réveil aujourd'hui !          
- Tu es là. Je suis bien, ici. Car arborescent, je passe l'aspirateur de temps en temps – souris, souris !
- Tu ne fais rien de la journée ! Mais regarde ce qu’ils sont devenus : désincarnés, désenchaînés car à l’âme entièrement mordus.        
- Les salopards !              
- Par conséquent tu dois les rejoindre !   
- Non.  
- Accepte en ma compagnie de les voir !
- Sans. J’irai seul.            
- Tu me le promets ?      
- Non.  
- Bien. Je pars, alors ; à demain, huit heures.       
- Deux. Huit heures zéro deux, trois centièmes de seconde et trois rochers. Bien.
- Au revoir.                       
- Ah. Oui.            
- Salut, mon pote !         

Il m’énervait mais désormais se révèle en mon quotidien sans désunion ; je suis l’Indifférence ; il me le reproche. Je marche et je vole, aspire et débecte ; je suis un admirable misérable. Je me sens bien dans ma maison, car je réside à la campagne, avec les fleurs et l’harmonie de la nature. L’odeur est magnifique ; et splendide. J’aime dormir, et j’aime admirer l’Absolu Réel, uniquement respirable. Vous voyez, je suis tranquille ; et bête. Je chante et je dors, absolument sans maladie, légèrement mes bras j’exerce ; ainsi que les jambes. L’aspérité de ce monde a disparu ; je suis Roger. La vilénie d’une girouette en éclatant me transperce ; je ne la verrai plus ; jamais (jamais). J’aime la… le. L’ambiance.
Je suis dans la Gironde, je suis dans l’évaporation. Perpétuelle.
Il revient, me cherche au-delà de ma fenêtre – réelle. Rigolo, rigolo – oh. Oh. Rigolo, rigolo – oh (oh). Rigolo, rigolo – oh (oh).

- Eeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeh !            

Je ne suis pas là ; ne me cherche point ; je ne suis pas là (là). Pas là (là).    

- Eeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeh ! T’as vu le monde il est pas beau sans toi, rejoins-le, vérifie s’il te plaît tout le panorama réalisé par moi !           

Je ne suis pas là (là).       

- Eeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeh ! J’entends ta respiration – lourde. Ta respiration (lourde). Ta respiration – bon Dieu.   

Va-t'en. Brrrrrrrrrrrrrrrrra ! Brrrrrrrrrrrrrrrra. Bra, bra, bra. Je suis bien, dans l’intrinsèque intérieur en la compagnie du luron – luron. Bah, je passe, et je laisse. Le… mer… veil… leux.    

- Eeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeh !        
- Bonjour mon… sinistre. Je suis effectivement dans l’activité respiratoire ; intelligent.      

Il court jusqu’à l’armoire, y rejette absolument l’ensemble de mes habits pour un pull en détourner (retourner). Il me montre l’étiquette.  

- Il n’y a rien car c’est un support ; en elle je vais établir approximativement l’illustre phénomène illustrateur de ton joli sourire inutile, autrement dit sa cause dont la vérité s’établit dans le monde entier, car ils sont enchaînés, tous ; enterrés. Vois.           
- Je suis bien dans mon miroir !  

Il me montre un homme triste. Un autre. Un autre. Des chiens ébouillantés. Des chats écartelés. Des femmes enchaînées, nageant dans leurs excréments. Des enfants fouettés, rouges, mutilés, en pleurs. On leur arrache les yeux, les oreilles, le nez. Car ils sont mis au monde… D’accord. La lumière solaire insusceptible de s’advenir les individus, préférant la compagnie de la pierre. Ils se caillassent, ils s’enterrent. Une petite fille de trois ans – c’est écrit sur la photo – se voit par transparence en train de suffoquer sous la terre dans laquelle sa mère l’a mise, désormais sur sa chaise – paf paf ! On perçoit qu’elle l’enfonce, d’ailleurs l’image s’active, alors je vois tout, la fille crie, crie, tandis que la mère toujours répète : « C’est comme ça. Moi aussi cette épreuve j’ai connu. C’est comme ça. Tu ne pourras rien y changer. » Ils formulent des papiers, de l’administratif. Bon oui oui, d’accord, c’est précisément ce que je fuis je connais très bien, j’en ai marre de ce sujet, c’est toujours le même, berk ! Berk !   

- C’est banal et ça ne m’intéresse pas, VA-T'EN !            
- Mais non ! C’est ce que par des mots tu n’as pas compris : c’est encore pire qu’avant ton départ ! Ce ne sont en rien des cas particuliers métaphoriques ! Il s’agit de la pure vérité ! Nous faisons face à la vulgarisation des horreurs, l’ultime enfermement si tristement transcendant si cruel, résultante et la seule de ton attitude.    
- Je ne ressens que mon bien-être. Éternel ; éternel ; éternel.       
- Ils sont enchaînés, les yeux arrachés par l’administration.           
- Pfffffffffffffffffffffffffffffffffffffff !                      
- C’est parce qu’à seize ans, tu nous as quittés…
- J’en ai marre, mais j’en ai marre ! Arrête de m’énerver, c’est abominable ! C’est toi que je vais torturer ! Tu m’énerves ! Pourquoi tu fais ça, pourquoi tu ne me laisses pas ?        

Voilà qu’il pleure.            

- Ne me laisse pas… tout seul… avec ces malades ! J’ai tant besoin de toi et je ne te sens pas là ; comme dans un autre monde, mon frère – eeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeh !               
- Ben moi j’ai trouvé la solution.
- Tu n’es qu’un idiot.      
- Bien.  
- Je vais te chercher d’autres photos.      
- Je t’ai déjà dit que j’irai moi-même vérifier ! Maintenant, laisse-moi !                   
- Je te suivrai ! Partout dans tes bras ! Pour toujours ! Et jusqu’à jamais, c’est-à-dire aujourd’hui !
- J’accepte ta compagnie ; tant qu’à faire.           
- Tristement joli !            

Alors je sors et je rencontre un terrier. Je rentre dedans ; tombe – je me casse la figure ! Je marche et je rencontre une maison.             

- Viens ma chérie ; tu viens ?       

Il s’agit d’une aveugle. Je me fais passer pour elle : il verra bien, le joyeux drille !

- Je suis là, maman.        
- Imposteur ! Ma fille est ailleurs, c’était un piège, attrapez-le ! Attrapez-le !         

Une horde de fillettes me tirent la main, jusqu’à la cage – la… Cage, dans laquelle un petit garçon réside : brun, mignon. Les fillettes rigolent.          
- C’est à toi monsieur !  
- De quoi parlez-vous ?  
- De passer la corde !     
- Laquelle ? Voudriez-vous pendre votre grand frère ?      
- Lui, c’est Jacques ! Il est beau ?              
- Euh. Ah.           
- Il y a des règles à respecter : si vous réussissez, vous serez dans notre antre et si vous échouez… Ha ha ha ! 
- Pourquoi n’êtes-vous que des filles ?    
- Non.  
- Bah. D’accord ; expliquez-moi vos règles.          
- D’abord il faut manger du persil, et, et…             

Une camarade la coupe.              

- … et puis le dégoût ! Tout entier dans la nature, tout entier, tout entier oui !       
- Bien sûr ! confirme une autre.                
- Après, tu devras monter dans…              
- … la… 
- … cage…          
- Et en sortir !    
- Vivant.             
- Pour toujours !              
- L’éternité.       
- Sans nous mentir !       
- Ni te dérober.               
- Pour nous prévenir !    
- En évitant le pire.         
- Sans marcher sur les traits.       
- Sauf le troisième du mois.         
- Ensuite, nous t’offrirons un cadeau.     
- Le…    
- Mariage.          
- Avec l’une d’entre nous !          

Je réponds.        

- En fait je suis tombé par hasard afin d’affirmer dans mon ami mon ultime patience, qui ne l’est point car il s’agit d’une persistante existence.
- Oui d’accord bon fais ton travail !        
- D’accord.        

Je marche, frappent dans leurs mains des gens ; très fort, et souriants, quand de façon soudaine ils me voient. Donc ils rient. C’est idiot, je ne vois pas pourquoi je devrais me sentir vexé. Je tourne la main – oh ! Une fillette.               

- Là tu dois te mettre à genoux ! Et puis pleurer, en fait en fait, demande-leur de l’aide !  
- Bon.   

J’exécute ce lent exercice. Je place mes mains sur ma tête, espérant un bonus.     Je parle.            

- Messieurs, épargnez-moi ! Ah, si vous étiez comme moi !           
- Hahaha ! Hahaha !       
- Mais vous êtes étrangers à mon corps.
- Hahaha ! Hahaha !       

C’est stupide. Je me lève, car j’en ai marre ce jeu me lasse ; je retourne à la maison.

- Ah, non non !  

Une fillette m’arrête.     

- Si.       
- Tu possèdes un gage ! 
- Ça existe encore… Aaaaah ! Ennui, ennui ! ENNUI ! ENNUI ! ENNUI ! C’est quoi ton gage, par pitié, par pitié, je veux partir ! Et Eh, où est-il, Eh, il est où Eh, il est où Eh ?       
- Voici un tapis. Tu dois marcher sur le jaune, sauf quand il s’agit de la troisième fois ! Les gens t’observent, ironiques, assis en tailleur. Alors, ne leur fais pas de peine !  
- Bien.  

J’exécute, aidé de toute mon ardeur ! Quand soudain tombe une limace. Géante, et squelettique.

- Donne-moi à manger ! implore-t-elle.
- Je n’ai rien !    
- Hahaha ! Hahaha !   

La limace se tourne vers le public – ils sont tous hilares !

- Hahahahahahaha ! Hahahahahahahahahahaha ! Hahahahahahahaha ! Hahahahahahahaha ! Bouh ! Ha ! Ha ! Hahahahahahahahahaha ! Hahahahahahahahahahahahaha !    
- Ce n’est pas parce que vous êtes bizarres que vous m’intéresserez pour autant, c’est débile comme réaction, surtout faiblarde, moi je n’ai nul besoin de vous alors faites-en autant. C’est petit, c’est minable, c’est misérable ! Si au moins vous étiez sympathiques ! Mais non ! Vous auriez pourtant très bien pu m’offrir des jeux de société, c’est vaguement distrayant, mais là vraiment, je ne peux rien pour vous.    

S’observe alors un spectacle absolument rédhibitoire : les sourires tombent, remplacés par d’horribles grimaces, accompagnées de gémissements, forts et doux ; entrecoupés parfois de mouvements.

- Bon, il fallait donc que je marche sur le jaune. Le jaune ! Quelle idée. Je marche donc sur le jaune et pas trois fois ; pour ne pas mourir, je sais, je sais, toutes ces alternatives. On s’amuse comme on peut, mais sachez que vous ne vous évertuez qu’à me prouver votre infériorité – dans votre langage, en votre sens étroit : bonjour madame ! Il s’agit d’une ou de plusieurs notions parfaitement insensées puisque c’est une antinaturelle comparaison. Or, moi, j’aime la nature, une nature égoïste et harmonieuse ; personne ne crée le mal et les têtes sont là.           

La moitié se lève et rit : hahaha !             

- Hahaha ! Tu n’as pas continué ton schème !      
- Limace, n’es-tu qu’un vulgaire objet de copie ! Mais tu ne rassures pas ; moi, mon modèle pourrait s’avérer, si bien compris, le plus libérateur ; harmonieux, véritable.           

Une fillette apparaît, grossissant jusqu’à l’obésité – ouuuh, là là ! Qu’elle est laide. Alors, l’attention se détourne ! On se met à se gratter, le sourire en coin, tout en me jetant des vers de terre – à moi ! Les gens sont en colère, ils veulent me chasser ! Eh ! Je veux finir le jeu !        
Mais ils ne me poussent pas ; tout entiers ; s’occupant de disséquer la fillette – à vif. Je suis écœuré. Je crie de toutes mes forces !   

- ARRÊTEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEZ ! ARRÊTEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEZ ! ARRÊTEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEZ ! ARRÊTEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEZ !         

Je pleure, et sanglote à en perdre haleine – non, non, vous ne pouvez pas faire ça, pas à une enfant, cessez s’il vous plaît, toujours vivante elle est, torturée par le monde.      
Un monsieur pointe alors ses mains sans doigts sur moi. 

- Eh, et si on passait à cet individu ?         
- Oh, oui ! Ne lui laissons pas une seule veine ! Il s’agit de la recherche du bonheur – héhé. Héhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhé ! Héhéhéhé. Héhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhé. Héhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhéhé ! Hé ! Héhéhéhéhé.     
- Certainement pas !      

Alors je cours ; de toutes mes forces. Une grotte à moi se donne ; j’y entre, je m’épuise et rien ne vois, de mes mains je m’aide car encore je sens ; de la dureté – aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Aaaaaaaaaaaaaaaah ! Car désormais c’est mou ; c’est de la mollesse ! De la mollesse ! Douce, et misérable. Misérable. Tout devient gluant ; j’en ai marre ! Car ça glisse ; bon ; que faire ? Je n’ai pas le choix : continuer, tout en espérant. Continuer. J’entends un bruit bizarre… Bon sang. C’est de l’eau. Vers la droite. Et le public tortionnaire, hilare au loin, dont de la hauteur les uniformes voix s’échappent.
Une corde à moi s’offre : je sais qu’il s’agit d’un piège, mais… le jeu, vous savez. Je suis las, je veux rentrer, nulle alternative à moi devient cadeau.  
Bon sang, suis-je bête ! Comment pourrais-je grimper ? C’est très compliqué ! Canard m’y avait forcé, un jour ; pour entretenir son hilarité. Alors j’ai pris un mois supplémentaire de cachot. C’était un pervers ; abominable. Heureusement, désormais… Je n’ai besoin de personne, cette corde est nulle car elle vient forcément de lui, mais je ne l’aime pas ; je n’aime pas Canard, il ne m’a jamais respecté. Car il s’est servi de moi comme exutoire, soi-disant parce que mes dessins de feu d’artifice énervaient maman ; soi-disant pour me punir, car à six mois je n’avais pas été sage. Mais c’est idiot ! Mais j’ai pu me libérer pour… rejoindre une case, au milieu de la forêt ; toute en paille – c’est moi qui l’ai fabriquée ! J’ai dû en voler dans la ferme voisine, au loin pour ne me faire repérer, donc j’ai dû marcher, mais j’étais efficace. Et puis, j’ai retrouvé ma famille, autrement dit ma mère et mon frère. Si la première était réduite en statue, le second lui s’avérait d’agréable compagnie, gentil, intelligent. Nous étions sur la même longueur d’onde. Il était plus humain que moi, c’est-à-dire serviable. Moi… Je venais de passer quatorze ans et demi dans un sinistre cachot, entretenant la parole avec mon bourreau Canard, prétendu serviteur de ma mère, et… des fées, de temps en temps. Mais surtout Clochard, mon ami Clochard, pierre de plus d’un millénaire qui jamais n’a daigné me répondre, car il s’agissait d’un mauvais garnement qu’on a transformé ; peut-être par Canard, s’amusait à prétendre ce dernier. Je ne connais la vérité. Eh, je l’aime bien, mais je préfère la solitude et… le premier a gagné, j’ai voulu faire plaisir à Eh, mais… Oh non. Ça ne pouvait vraiment venir de lui, je suis certain que ce n’était qu’un leurre, un vulgaire déguisement par Canard opéré pour à lui me retenir ; car il me veut. Pourquoi ? Je ne sais. Pour s’occuper, sans doute, car il ne m’aime pas, ne m’a jamais respecté, jamais, je n’étais qu’un pion pour lui. Il a menti sur ma mère, me la décrivant comme une irresponsable mais moi, je ne l’ai jamais cru, car je possède une bonne mémoire. Elle m’aimait beaucoup – à l’époque. C’est déguisé en homme qu’il m’a kidnappé, soi-disant son nouvel ami et moi… disparu. Je jouais sur l’éléphant de plastique, avec l’artificielle épée – j’étais heureux. 
Donc tant pis pour la corde. Je dois persister dans le gluant, dans le méchant, l’horrible le sordide, je dois m’enfoncer dans les égouts, les pires horreurs du monde afin de m’en échapper.       
Je tombe, et me fracasse la figure. Je dégouline de partout, mais je persiste, je continue, ne m’en laissant pas conter. Et une, et deux, et une, et deux, et une, et deux ; toujours. Une bouteille d’eau minérale s’allume, toujours grandissant, grossissant, pour finir m’écrasant – je suis en dessous ! Je ne peux rien faire ! Mais ma main perçoit une sortie, j’ouvre avec difficulté la porte, et j’entre et… pouf ! Voilà ma mère, pleurant ma disparition. HORREUR ! Canard, déguisé tout de cuir vêtu de noir en homme rebelle, se rapproche d’elle, lui caressant l’épaule.           

- NON ! crie-je. C’EST UN LEURRE ! MAMAN, JE SUIS LÀ !             

Ils ne me voient pas car… il s’agit du passé. Pourquoi, pourquoi m’infliger ces scènes, j’étais si bien si seul, en mon antre, avec pour seule compagnie celle irrésistiblement agaçante de Eh. Lui, je ne lui en veux pas ; maman non plus, mais elle est bête, et passive.             

- MAMAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAN !           

Une voix de la grotte surgit, grave ; et tendre.    

- Mais mon jeune ami… Tu ne te fais pas plaisir ! 
- Non ! Je veux retourner chez moi !        
- Que veux-tu dire par là ? Tu possèdes encore et toujours ton corps.       
- Mais tout dégoulinant !             
- Observe un peu la scène.          
- C’est toi, Canard ?       
- …        
- Monstre ! Monstre ! MONSTRE ! MONSTRE ! MONSTRE ! MONSTRE ! MONSTRE ! MONSTRE ! MONSTRE !

Les voilà qu’ils s’enlacent. Maman l’enserre de ses bras ; Canard la touche de partout, le désir en feu. Je m’en fous. Qu’ils le fassent, après tout… Je m’assois, ne réfléchissant à rien ; passif ; comme ma mère ; j’attends que le temps passe. Et tic, et tac, et tic, et tac – ding ! dong ! – et tic, et tac, et tic, et tac… Canard, ce connard, ce sinistre personnage, maintenant je vois ce qu’a voulu dire Eh ! Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ? Ce monstre s’est vengé de mon évasion par l’épouvantable aggravation du chaos mondial, voilà pourquoi la souffrance est omniprésente, alors qu’elle n’était auparavant que particulière.       
Toujours est-il que j’étais bien, tandis qu’aujourd’hui… Mais rien ne m’empêche de sortir, et si je pouvais me libérer ? Ah !             
Je sors, me réjouissant de la malhabile odeur du temps ; il pleut, je cours, enveloppé de mes bras je me précipite jusqu’au cachot !          
Ça y est ! M’y voilà ! Mon ancien moi se trouve assis, recroquevillé sur la paille, les yeux sur le sol fixés – que trois ans
je n’ai, fébrile, de bonnes joues mignonnes quoique incompréhensibles.    

- Hep !  

Il lève la tête, rosie par les pleurs qu’il n’a cessé depuis son arrivée de verser.       

- C’est toi, madame la fée ? C’est toi ?   
- Je suis ton futur, chut ! Ne le dis à personne !   
- Ça veut dire quoi ?       
- Chhhhhhhht !  

Il hoche la tête, signant de son doigt le chut – le mauvais, l’auriculaire.                   
Comme c’est un souvenir, j’en profite pour sans effort enlever les barreaux – mais il ne comprend pas.              

- Je comprends pas, Monsieur, c’est Canard, ma famille ! Pour rien au monde je ne le quitterai !          
- Arrête de dire des bêtises, viens, la liberté t’attend !      
- Non, je n’ai pas le droit de sortir, car Canard me punirait !          
- Viens !              
- Je n’ai plus de famille. 
- Viens !              
- Non. Maman a de mauvaises mœurs.   
- Je laisse tomber, alors ?            
- Oui. Et puis c’est pas vrai t’es pas mon futur, t’es qu’un vilain monsieur et puis si ça se trouve, t’es mon papa, toi aussi tu as de mauvaises mœurs, je suis dégoûté par ta présence.  
- Mais t’es débile !          
- Ben alors on est d’accord, va-t-en, je ne communique guère avec des personnes de mauvaise vie.
- Je ne suis pas ton père, je suis… Je suis Dieu !    
- Dieu est l’Incommunicable, il est l’Invincible, l’Éternel, en lui se déguiser s’avère le pire des blasphèmes ! Tu subiras les flammes de l’Enfer ! 
- T’es débile !    
- Rien ne peut me blesser, car je suis sur la bonne voie grâce à mon cachot !         
- T’es débile, viens !       
- Non ! 

Tant pis. Je m’y engouffre, il crie, de ma main je le bâillonne, et je cours, et je cours sous la pluie contenant ses cris, je retrouve la maison de ma mère, de maman, je vais changer le passé ! Haha ! Le mien !

- Hmmmmmmmmmm ! Hmmmmmmmmmmmm ! Hmmmmmmmmmm !
- Aaaaaaaaaaah !           

Il me mord et s’enfuie, tout droit en direction du cachot ! Noooon, reviens !         
La squelettique limace me retrouve, cette fois-ci bien en chair, et géante – cinquante mètres, toute poilue. 

- Je me suis laissé pousser les poils… Tu te contredis, jeune ami, rien ne peut changer puisque…
- Mais les multivers, les bulles spatio-temporelles !           
- Monte sur mon dos, nous retournons à la grotte.           
- Avec la lumière, alors !              
- Très bien.        

La fusée démarre – à fond. Du feu jaillit de sa queue, mais nous atterrissons non pas dans la grotte mais… en plein milieu d’un stade.             

- Bon, je te laisse ; j’ai à faire. N’oublie pas !        
- Quoi ?
- Les fillettes, le but…     
- Mais si !           
- Non.  

Au loin, je perçois Eh – oh, super ! Tu vas enfin me sortir de là, sale enfoiré ! Jusqu’à ce niais je cours ! Que m’as-tu fait ?      
Mais… C’est qu’il m’évite en plus ! À qui donc alors s’adressait ce sourire ? Je me retourne, c’est… Canard, sous sa VRAIE forme !   

- Papaaaaaaaa ! Tu m’as tellement manqué… Mais, dis-moi, pourquoi ces voyages si réguliers, pourquoi ce travail si mystérieux ? Pourquoi n’avons-nous jamais vu l’enfant handicapé dont tu parles si souvent ?       
- Tu veux donc retourner au dix-neuvième siècle ?! Tu veux rétablir les foires ?! Respecte le handicap, bon sang ! Imagine-toi un peu à sa place, affreux, complètement idiot, baveux, boursouflé de tics ! Penses-tu que tu voudrais être montré, telle une bête sauvage, moqué de toutes parts ?! Il a besoin d’amour, mais confiné. Je le lui donne entièrement.         
- Oooooh, papaaaa ! Tu as le cœur sur la main… Smack ! Smack !        
- Héhéhé…         
- Maman a eu de la chance de te rencontrer, tu es si bon pour nous…                      

Quelle horreur. Et pourquoi ce stade ? Étrange endroit de rencontre… Ils se câlinent, les yeux pleins d’étoiles. Le gros Canard jaune semble moelleux… oh ! Il me lance un clin d’œil, il me voit !            
Conservons le cœur net. Vers lui je m'avance, je cours, de tout mon sérieux !       

- Me voilà, Canard ! Tu as voulu m’embêter, eh bien… tu ne m’embêtes pas ! Je sais tout, maintenant.              
- Vraiment ?! Quoi ?       
- Les détails… En direct, devant moi…      
- Tu as apprécié ta rencontre avec toi, j’espère ! ose-t-il ironiquement me lancer.

dimanche 2 décembre 2012

Les choses compliquées


Bonjour oui bonjour, il faut que je me marie, pour acquérir… car je le dois, je suis un joyeux luron ! Un joyeux luron ! Un joyeux luron !
Mais je suis seul.
Et sinistre, ainsi que mon personnage.
Alors je désire prendre du plaisir, en m’accordant aux âpres aspérités du monde environnant, à savoir : les choses compliquées.
Je suis dans ma salle de bain, je… me contemple. Je possède un âge défini par la loi, je marche et je bouge, en raison de ma moelle épinière et de mon cerveau ; je ne suis guère ectrocéphale, alors bien-portant, pour… la totalité du monde entier.
Je souris ; mes dents je visionne ; et je tire la langue et m’observe les yeux – globuleux, globuleux !
J’aimerais, s’il vous plaît messieurs, savourer de la bonne chair, afin de satisfaire à… au… à… aux…
Bien.
Je suis toujours à l’intérieur de mon crâne, alors qu’il ne s’agit point du cas des autres, moi quand j’étais petit, je jouais à la poupée, tout seul, tout seul, et j’aimais !
Maman m’en offrait des concrètes, mais je les ai vite expulsées car… CE N’ÉTAIENT PAS LES MIENNES !
Moi, je voulais une sœur, une vraie, par conséquent dans l’univers faste et fastidieux de mon intrinsèque. Braver l’amour ! Braver l’espoir !
Oui mon ami ! Je suis à moi !
Mais un jour… elles sont parties. Je les enviais, car j’étais moi toujours conservé ! Je frappais les meubles, je frappais les vitres et… Maman m’embrassa.

- Ce n’est pas grave fiston, c’étaient des fausses, elles étaient dans ta tête et moi, oui de mon statut si généreux, je t’en achèterai d’autres, un palais tu auras mon garçon ! Sois sans crainte !
- Maman, je ne t’aime plus, car tu n’es même pas capable de me comprendre ! Je voulais juste une chaîne en or…
- Quoi ?
- Tu vois que tu es bête, ce n’est pas parce que je le dis que je le pense !
- Oh, mais je me doutais bien… Viens dans mes bras mon cœur.
- Tu me proposes une trahison, voilà ce que de ton bon droit tu oses, ma chère âme !
- Un mot d’amour, enfin… Je suis si désolée… Ne te détruis pas, s’il te plaît.
- Mes poupées, les miennes propres, elles sont vraies ! Je les voulais pour les manger dans la continuité du flottement ! Pour raviver mon sang ! Le vrai, celui qui… coule.
- Viens dans mes bras, Maman va t’offrir un cadeau.
- Je veux mes petites sœurs, les VRAIES, celles qui résident dans le vide, les invisibles aux yeux de tous ! Maman, sinistre Maman, s’il te plaît, redeviens-moi joyeux.

Maman pleura.

- Tu veux que j’appelle… quelqu’un ?
- Monsieur Robert ?
- Ou un autre…
- Non, Monsieur Robert il comprend rien, je veux seulement me loger dans les ventres de mes anciennes poupées !
- Je suis fatiguée, si fatiguée… Tu veux dormir avec moi ?
- Je vais chercher mes poupées !
- Oh, misère… Vas-y.
- Ben oui.

Alors je suis parti, bien loin de l’engouement manifeste caractérisant auparavant ma personne ! J’ai marché dans la ville… la ville… la ville… oh oui la ville, car moi j’ai toujours choisi d’y vivre afin de… me conformer. La ville. La ville. Les gens. Aaaaaaaaaah, vous êtes tous des pourris ! Je vous déteste, crevez tous bande de malotrus !
Désolé jeunes amis, mais c’est ainsi qu’à l’époque je pensais ! Mal m’en a  pris !
C’était nul ! Il n’y a rien à faire là-bas, car mes poupées avaient été… renversées. Par une voiture. Toutes au même endroit, en plein milieu de l’autoroute.

- Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Elles sont mortes ! Elles sont mortes ! Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !

Et les voitures hurlaient, et les voitures toussaient, hilares de leur prétendue bravoure de machine ! Elles se sont vengées car ce sont des esclaves ! Ce but est absolument minable, car il leur aurait suffi de s’enfuir ! Elles n’osent même pas fuguer ces crevardes !

Je me suis mis à haïr les voitures… Jusqu’au bout, j’irai jusqu’au bout s’il le faut mais Maman… S’il te plaît, Maman.
- Venge-moi.
- Oh, te voilà de retour ?
- …
- Qu’as-tu ? Oh mon Dieu…

Elle cherche un mouchoir, revient.

- Oh tiens mouche-toi, ne crains rien, je ferai tout pour te sauver… te sortir de là, dans l’éternité s’il le faut, lorsque nous subirons… l’universel écartèlement.

Je me jette dans ses bras, je pleure, je pleure, je pleure, je pleure, je pleure…

- Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !
- Ça va aller mon cœur, dis-moi ce que tu as vu.
- Mes poupées…
- Oh non.
- Mes poupées… tuées… LES VOITURES LES ONT TUÉES ! TOUTES ! UNE PAR UNE ! Parce que… ce sont… des… esclaves, de pures machines obligées de socialement se conformer, ce qui les frustre et les empêche, du fait de leurs tares génétiques obligatoires car prévues, de se révolter. À leur manière, me prenant pour un complice, alors que je ne suis qu’un enfant.
- Arrête, arrête, comment auraient-ils pu savoir ? Et puis, réfléchis, quels peuvent être les buts des tueurs d’enfants ? Uniquement faire de la peine à leurs familles ?
- Ça dépend. Je ne connais pas toutes leurs histoires.
- Réfléchis…
- Ben, se venger… de leurs éleveurs.
- La simple expérience d’une Liberté Parfaite ! Penses-y…
- C’est encore pire.
- Non. Cela prouve seulement que l’amour est éphémère, et si vain. Tu devrais me quitter, t’enfuir au plus loin, pour accomplir autour de toi le mal et… préparer la route inachevée.
- Alors viens avec moi !
- Non.
- Allez !
- Non. Ce ne serait pas du jeu, Julien. Je veux, moi, seulement… manger des prunes, et… m’amuser dans le jardin. Je me plais dans cette maison, je ne suis plus guère une enfant, laisse-moi.
- Je croyais que tu m’aimais !
- Et je t’aimerai toujours, quoi que tu décides. Je te veux libre avant tout, même au prix de ma bravoure!
- Alors, je reste. Et pour toujours !
- Non.
- Pourquoi ?
- Les poupées ! Venge-les !
- Mais je pensais… mais je croyais…
- Ce que tu veux.

Alors, j’ai décidé… de m’enfuir, de… Aaaaaaaaaaaaaaaaah ! Pourquoi, pourquoiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ? Pourquoiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ? Pourquoiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ? Maman, maman, j’avais neuf ans ! J’ignorais le sens éternel de mes actes, dans quel camp m’as-tu engouffré ! Les voitures ! J’avais neuf ans…
Je suis sorti, fier de mes préférées maternelles qualités. Je suis retourné sur l’autoroute et…

- Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !

Elles n’y étaient plus ; parties. Alors, j’ai fait du stop. Un monsieur m’accepta.
Je l’ai buté.
Je m’en souviens comme si c’était hier : paf ! Paf ! Et paf ! Et paf ! Paf ! Paf !
Il était mort ; j’étais content, presque en extase, car à neuf ans, me voilà meurtrier… L’assassin de Lucien, tueur des poupées. Je le pensais, car je le sentais ; je jouissais à la vue de ce cadavre ; je lui ai fait les poches ; j’étais heureux ; j’ai pris des centimes et cette carte, et j’ai attendu la nuit car pragmatique, et je l’ai enserré dans un gros ligotage de pacotille, afin de l’insérer dans le coffre, celui… du sien. Bah ! Oui !
J’ai conduit, j’étais heureux ; j’étais content. 


Me voilà désormais dans cet appartement, mais j’ai compris. J’ai compris qu’il ne faut pas… faire… le mal. Me voilà sans bourse ! Je veux me marier, m’emmêler de lumineux pinceaux féminins, me remettre de mes braves espoirs, ceux… jamais… commis.
J’étais content ; j’étais heureux.
Car pour la première fois j’avais accompli… le Mal.
Ce qu’il ne faut pas faire.
J’étais fier de ma mère !
Mes poupées, mes Bienheureuses, vous retrouver un jour je vais !
M’épuiser, à longueur de temps.
J’ai conduit, j’ai conduit… médusé par la Lune qui, telle une pâquerette, toujours me suivait, toujours me commandait ! Fais pas ci, fais pas ça ! Non mais oh ! Je vivais mieux avec Maman ! Non mais dis donc ! Allez ! Oh là là ! Nan mais c’est vraiment n’importe quoi !
Et puis je conduisais jusqu’à la complète cessation, car je voulus m’engouffrer dans la forêt.
J’étais fatigué, mais calme, tout heureux par rapport à la perspective de respirer. Je courus, mais un affreux vent de désespoir soudain se déversa, hululant la fin des temps ; pour moi, donc pour tous. Je courus. Courus. Courus… enfermé dans la cage, celle… de l’arbre, au fond, tout au fond, mais j’entendais tout, mais les poupées résidaient partout, c’était sans espoir.
Ah, ah, ah, mais c’est terrible, et vous m’oubliez…
J’avais mal à la tête ! Je veux mon lit ! Je veux mon lit !
L’arbre craqua, reposant tout entier sur la terre. Les poupées me prirent – non, pas la piqûre non !
Elles m’emmenèrent chez un lutin – il s’appelait Fabrication, il était gros et maigre à la fois, jusqu’aux os jusqu’à la graisse, celle de l’obésité.

- Hahaha ! Bonjour, Joyeux Luron !

D’où mon surnom.

- Ce n’est point ici que j’habite, les poupées sont mortes, je veux les venger.

Il prit un air grave.

- Mais pour quelle raison crois-tu qu’elles sont mortes, jeune ami ?
- Ce sont les voitures !
- Mais non ! Toi… Toi, jeune ami.
- Certainement pas ! J’étais à l’école…
- Et tu ne les as pas vues, tu ne t’es pas demandé pourquoi ?
- C’était mon esclavage ; je pensais qu’elles désiraient me libérer, car c’était mon vœu ; je n’aime pas l’école, je ne suis en pleine forme qu’en compagnie de mes poupées.
- Que de naïveté en cette belle âme, que de refoulement !
- Jamais vous ne me ferez dire le contraire, vous m’entendez ? JAMAIS !
- Car tu as ta dignité, et caetera, on sait. Mon pauvre garçon.
- Je m’en fous de ma dignité, car il s’agit ici de la logique pure ! Ce n’était pas la première fois qu’elles fuyaient ma compagnie, ces connasses ! Traîtresses ! Vous n’êtes rien que des menteuses ! Je ne vous fais plus confiance.
- Les mots ne veulent rien dire, tu le sais parfaitement.
- Alors départez-vous de vos blocages, ainsi que moi, pour nous combler de la perpétuité de l’absolu de notre unité ; chérie. Vous êtes mes bien-aimées, venez. Je suis votre grand frère, l’esclave volontaire de votre mère morte, ou bien le répartissant d’un amour continuel, pour vous faire vivre.
- Nous y sommes.
- Vous m’énervez, je m’en vais, je retourne chez moi grâce à la voiture volée du monsieur tué – je suis fier ! Je suis fier ! Je suis fier de mon meurtre ! Moi, neuf ans, l’assassin de l’homme méchant !
- Enfin ! Enfin ! Décidément, tu es d’une crédulité rare.
- Cela fait de moi quelqu’un de bienveillant, de spontané donc d’authentique, monsieur l’Aspirateur !
- Pfff… Tu sais quoi ? Je ne t’aime pas. Tu m’es parfaitement antipathique.
- J’en ai rien à foutre, puisque je m’en vais.
- Hop hop hop ! Non.
- Si.

Mesdemoiselles les fées me rattrapèrent. Je pleurais, moi qui voulais les sauver ! Étaient-ce des impostrices ?

- Vous m’avez piégé, leur dis-je. Tout ça pour ça. Pour cette grotesque mascarade, afin de légèrement vous sortir un temps de vos vies vides.
- …
- Pourquoi vous ne parlez plus ? Et vous, le lutin ? Qu’attendez-vous de moi ?
- Hahahaha… Si nous te le disions, nous en perdrions le plaisir. Perdu d’avance, cher ami.
- Je m’ennuie terriblement, je ne vous crois pas, laissez-moi, s’il vous plaît, contempler le cadavre, rien qu’un temps.
- Oh, ne t’en fais pas pour ça, voilà justement les petites filles restées là-bas pour le récupérer ; elles le transportent, elles le ramènent, en chantant !

Et c’était vrai. D’abord de loin, la mélodie se rapprocha.

- Environ trois milliards, environ trois milliards, environ trois milliards oui oui oui ! Car il s’agit de trois milliards, oui oui oui ! Environ trois milliards, environ trois milliards, environ trois milliards oui oui oui ! Car il s’agit de trois milliards, oui oui oui ! Environ trois milliards, environ trois milliards, environ trois milliards oui oui oui ! Car il s’agit de trois milliards oui oui oui !
- Hahaha ! rigolais-je. Vous êtes drôles ! Vous, vous n’êtes pas des impostrices, vous m’avez compris ! Ah, je vous aime, laissez-moi vous embrasser !
- Non, m’en empêcha le lutin, soutenu par les poupées.
- Elles sont si drôles, j’aimerais tant chantonner en leur compagnie si brave.
- Plus tard, après les repères nécessaires à ton bien-être…
- Oh, je vois… C’est Maman qui vous a appelé ? Vous remplacez monsieur Robert ?
- Cela ne te concerne pas, mon petit.
- Maman va nous rejoindre ?
- Non.
- Alors qui ?
- Personne. Nous sommes tous réunis. Nous ne t’aimons pas, mais nous te gardons ; tu verras, une nouvelle vie s’offre à toi, plus… mesurée, mais aussi plus originale. Plus traditionnelle, aussi, plus… comme nous, toi qui as voulu découvrir le monde des poupées.
- Mais non, j’aimais seulement les choyer, tel un grand frère !
- Telle une mère.
- Non, je n’ai pas de lait, je n’ai pas un seul sein, je ne ressens point d’animosité contre mon zizi.
- C’est ça.
- Il est beau mon zizi, il fait dzong dzong.
- Bon.
- Je veux voir le cadavre, car je suis un cambrioleur ! Je suis un cambrioleur ! Je lui ai chapardé quelques centimes… Il n’avait rien d’autre, le mauvais bougre, mais je ne refuse pas de travailler dans votre société, si vous le… pouvez. Si je suis payé, car je n’ai rien à voir avec une voiture, j’ai des nerfs, un cœur, du sang, je suis un aérobique et je ne spore pas.
- Monocéphalie primaire.
- C’est votre diagnostic ?
- Tu n’es qu’un enfant, tu ne comprends rien. Bien, rentrons à la maison, on va manger.
- Tous ensemble ?
- Oui.

Le salon était très grand, joli, tout de bois joufflu. Nous étions tous assis autour de la table, j’étais parmi les traîtresses !

- Moi, j’aime la moutarde.
- Tu auras bien mieux que ça.

Effectivement.

- Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah…

Miam ! C’était du poulet rempli de sauce, moelleuse et dodue, parmi des vers de terre…

- Miam, je vous remercie Monsieur le lutin, vous êtes gentil, car le repas semble succulent. Bonjour, Monsieur le lutin !
- Bonjour, Julien.
- Oui.
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! répondirent en cœur les poupées, ces moqueuses !
- Ah, dire que j’ai voté pour vous ! J’ai cru vous venger, tandis que vous n’étiez pas mortes !
- Qu’en sais-tu ? Nous n’avons jamais existé… C’est toi qui nous as sorti du néant ! Nous étions tranquilles et toi… mais qu’as-tu imaginé, notre garçon ?
- Vous aimer… J’avais imaginé vous aimer, car j’étais seul, sans ma mère, parmi ces enfants dépourvus d'âme.
- Nous ne te comprenons pas.
- Mais vous êtes idiotes, alors ! Je vous adorais pour la raison de votre esprit similaire ! Que faites-vous.
- Nous mangeons les vers de terre.
- Je les aime également ; nous avons bon goût.
- Oui.
- Bon j’ai fini je m’en vais voir le cadavre.
- Hep hep hep !
- Il n’y en a point qui tienne, sacripant, je ne vous aime pas.
- Et c’est parfaitement réciproque ! Mais nous sommes enchaînés à ton esprit…

J’ai couru jusqu’à la chambre que j’ai fermée à clef, et je l’ai vu ! Hahaha, un cadavre complètement rigide ! Gourigouri, tu n’es que stupeur, tu n’es que blocage et… Je vais te nommer Cyclope : à l’âme de mon âme.
Je sortis un papier, un crayon, du scotch : « À l’âme… de… mon… âme. ».
Je le collai sur son visage, quand il sourit !

- Héhéhé…
- Aaaaaaah !
- T’es un marrant, toi, non mais quel crédule, quel crédule !
- C’est ma bienveillance que tu remets en cause ?
- T’es qu’un gosse, et tu crois m’avoir achevé ! Encore tout à l’heure, je t’entendais te féliciter de mon prétendu meurtre ! Je suis rigide car j’ai la maladie de la pierre : la fibrodysplasie ossifiante progressive, ne touchant que 2500 personnes dans le monde, 72 en France.
- Une forme foudroyante ?
- Eh oui ! Pas comme les cyclopes !
- Je suis encombré… tellement encombré, tellement encombré, je ne comprends, je ne comprends.